Ce n’est pas l’intention qui compte, c’est le respect.
Il y a une douzaine d’années, j’ai commencé un accompagnement avec Nathalie, une femme que je respectais profondément.
Elle était douce. Compétente. Authentique. Je la sentais fiable. Je lui faisais confiance. Mais… quelque chose en moi résistait. Sans que j’arrive à expliquer pourquoi.
Lors de notre première séance, elle m’a proposé un exercice apparemment simple. Elle s’est placée à l’autre bout de la pièce, m’a regardée avec douceur, et m’a dit :
« Avance vers moi. Et lorsque tu sentiras que tu franchis une limite intérieure, que tu me fais entrer dans ta zone d’intimité et que cela ne te convient pas, arrête-toi. »
J’ai fait un pas.
Un seul.
Et je me suis arrêtée net.
Elle était encore à plus de quatre mètres de moi.Je ne ressentais aucune peur, aucune menace consciente, mais mon corps, lui, parlait un autre langage. Un langage que je n’avais jamais appris à écouter.
Ce jour-là, j’ai compris que le respect se ressent.
Ce n’est pas l’intention de l’autre qui définit notre sécurité.
Ce n’est pas son sourire, ni sa bienveillance.
Ce n’est pas sa posture, son CV, son rôle d’aidant, de thérapeute ou de coach.
C’est la sensation dans notre corps.
C’est l’intelligence cellulaire.
C’est cette réaction archaïque, incontrôlable, trop longtemps muselée pour rester « polie », « gentille », « raisonnable », « aimable », « acceptable ».
Ce jour-là, j’ai compris que le vrai respect commence par là : écouter et entendre ce que dit notre corps, et l’honorer, même si on ne le comprend pas encore se qui se joue.
Le respect est un espace.
On parle beaucoup de bienveillance et d’écoute. Mais ces mots sonnent parfois creux, s’ils sont détachés de l’expérience.
Le respect, ce n’est pas :
- Dire « je vous respecte ».
- Parler avec une voix posée, calmement.
- Ou poser un cadre rigide « pour votre sécurité ».
Non. Le respect, c’est :
- ne pas forcer la parole et encore moins le contact physique, quelle que soit la situation.
- observer les limites de l’autre et faire attention à ne pas les franchir.
- ne pas exiger d’explication à un « non », à un repli, à un silence, parce que personne n’a à se justifier, même si l’on a tendance à nous le faire croire.
- avoir conscience et accepter qu’en face de nous, il y a un monde intérieur dont nous n’avons pas la carte. Et que notre devoir, c’est de ne pas l’envahir.
Le corps sait : il n’oublie rien.
Je me suis arrêtée après un seul pas, parce que mon corps savait que mes frontières avaient été bafouées et piétinées durant plus de quatre décennies. Que mon espace vital n’avait jamais été respecté parce que personne autour de moi ne m’avait appris à fixer mes limites, bien au contraire. On m’a transmis que poser des limites c’est interdit et que dire « non » est un affront, un manque de respect — je vous parlerai des valeurs inversées dans un autre article.

Mon corps savait que j’avais toujours fait passer le désir de l’autre avant le mien et la volonté de l’autre avant la mienne. Je ne savais pas me protéger car, dans ma famille toxique, l’être n’est pas perçu en tant qu’indivualité individuée. Il faut s’oublier, se taire, se soumettre. Dire non, c’est trahir.
Ce jour-là, mon corps a décidé que ce temps était révolu. Qu’il n’y aurait plus aucune intrusion sans mon plein accord.
La relation d’accompagnement : un terrain sacré
Accompagner quelqu’un, ce n’est pas jouer à réparer l’autre. Ce n’est pas modeler un être selon nos projections. C’est honorer un lieu sacré : celui du corps, de l’âme et de tout ce qu’il a traversé.
Et ce territoire ne s’ouvre pas parce qu’on l’a décidé, mais parce que cette personne se sent et se sait respectée.
Il y a des jours où elle n’a pas la force d’exprimer ce qu’elle ressent, où le silence est la solution qu’elle a trouvé sur le moment pour poser une limite, où sa colère s’active pour protèger une blessure encore béante qui émerge.
La seule chose à faire est d’accueillir les premiers signes de son positionnement, et honorer ce mouvement de respect envers elle-même.
Tutoiement ou vouvoiement : un choix, pas un style
Depuis que j’accompagne les femmes, j’ai souvent été questionnée sur ma façon de m’adresser aux gens. Tutoyer ? Vouvoyer ? Alterner ? Imposer un « nous » ?
La vérité, c’est que ce n’est pas une règle.
- Le tu, permet de créer un lien intime, horizontal qui dit : je te parle depuis un vécu, pas depuis une seule expertise.
- Le vous laisse une distance respirable. Il dit : je te reconnais dans ta souveraineté, dans ton droit de ne pas être envahie.
Dans mes textes, je tutoie souvent quand que je parle depuis un vécu. J’écris de la femme que j’ai été, à la femme qui reconnaîtra ce qu’elle traverse ou a traversé en me lisant.
Cependant, dans mes accompagnements, je vous laisse le choix. C’est vous qui menez la danse.

